Nouvelle création de la compagnie Les Menteurs d'Arlequin
calendrier
première les 12 et 13 septembre à 20h30 à ornans - cal
le 04 octobre 2014 à 20h30 et le 05 octobre 2014 à 16h00 - Quingey - espace culturel
le 25 octobre a 20h30 - myon - salle polyvalente
Les princes
épousent-ils
les
bergères ?
d'à peu près
Marivaux
Adaptation
et
mise en scène :
Jacqueline Henry-Leloup
Création Lumières : Christine Dardelin
Création son : Chantal Gille Urvoy
Décor : Eric Debiesse
Costumes : Compagnie Les Menteurs d'Arlequin
Avec :
Corinne Debiesse : Diane Pouigues
Paoline Angioni : Maria, femme de chambre des Pouigues
Thibaut Georges : Jean-Renaud Pouigues
Joris Charbonnier : Pierre-Yves Pouigues
Thomas Personeni : Edouard Davaut
Julien Lopez : Kevin, chauffeur de la maison Davaut
Une adaptation du
"Jeu de l'Amour et du Hasard " de Marivaux
Une adaptation, pourquoi ?
Pour un autre regard sur une œuvre le plus souvent appréhendée comme une charmante et fine comédie, destinée à distraire, à faire sourire, peu dérangeante en somme et ne suscitant pas de profondes réflexions.
Pour lui retirer ses riches atours du XVIIIème siècle, la dénuder et chercher la question qui se cache derrière le rôle subtil et drôle des personnages policés et si séduisants et la poser, cette question, avec notre langage d’aujourd’hui, crûment, brutalement :
« Le Jeu de l’Amour et du Hasard » est-ce « Le triomphe de l’amour » ou « les Princes ne doivent ni ne peuvent épouser les bergères ? »
Note d'intention de mise en scène,
par Jacqueline Henry-Leloup.
Joli titre qui n’évoque que légèreté, amusement, insouciance, joyeuse irresponsabilité puisque les seuls acteurs du jeu sont l’amour et le hasard.
L’on se souvient de Marivaux et ses marivaudages : joutes amoureuses subtiles et raffinées, un brin artificielles parfois, convenues souvent. Sans gravité ni grande portée, les dés sont pipés et l’on sait, dès le lever du rideau, qui gagnera. Et le canevas de la pièce, les déguisements, le parallélisme des situations, les procédés comiques apportent à la pièce le souffle vivifiant et irrésistible de la comédie Italienne.
Rien que distraction, amusement, plaisir, cette comédie.
Et pourtant « c’est une bagatelle qui vaut bien la peine qu’on y pense » : la pièce pose la question de l’amour, du désir certes, mais aussi du mariage et des rapports des classes sociales.
Rappelons le sujet : pour être sûre que le prétendant, agréé par sa famille, veut l’épouser pour elle-même et non pour sa fortune, une jeune fille décide de prendre le vêtement et le rôle de sa femme de chambre (la femme de chambre prenant ceux de sa maîtresse) pour sonder les intentions et le cœur de celui qui prétend l’épouser. Mais le prétendant habité par la même méfiance a la même idée.
L’enjeu idéologique est beaucoup plus profond qu’il n’y parait, les perspectives sont même quelque peu inquiétantes. Le public de l’époque semble avoir exigé du dramaturge qu’il donne clairement raison, contre les domestiques, aux maîtres, à ceux qui ont « l’air bien distingué ». Dans le Mercure d’Avril 1730 on lit que le public a refusé de croire à ce travestissement parce qu’il ne pouvait pas admettre qu’un valet soit capable d’être réaliste dans le rôle d’un maître. Pour ce public, les différences de classe émanant de la nature même de la personne, « elles sont inscrites dans le langage, les manières, la physionomie !!! » Les spectateurs n’ont pas été amusés du tout mais choqués par la prétention d’un valet à rivaliser avec son maître. Ils partagent le malaise idéologique de Dorante et Silvia qui ne pouvait pas s’empêcher d’être séduits par une personne d’un rang inférieur et qui en sont très contrariés. Il ne fallait donc pas que les « inférieurs » fussent présentés sous un jour trop favorable, il fallait que leur identité réelle fût immédiatement perceptible sur scène, avec de la grossièreté, de la vulgarité pour que n’existât aucune ambigüité, aucun risque de confondre les maîtres et les valets.
Pour Marivaux l’amour et le hasard sont complices et non adversaires. Malgré les déguisements, les couples se reforment selon les mêmes clivages sociaux « le hasard fait bien les choses » : il rétablit la discrimination sociale d’origine.
On peut donc faire deux lectures de la pièce :
1 – même sous l’habit domestique, Dorante et Silvia s’aiment, c’est le triomphe de l’amour.
2 – l’amour n’est possible qu’entre gens de même monde.
Par ailleurs, les jeux sont faussés : les rencontres entre les personnes de conditions différentes n’existent pas, le valet ne se trouve jamais en tête à tête avec la fille du maître, les vraies rencontres n’ont lieu qu’entre couples légitimes. En fait, rien n’est laissé au hasard dans ce jeu et surtout pas le hasard des rencontres.
Tel que Marivaux le présente, le mariage au XVIIIème est fondé sur la communauté des intérêts et des sentiments avec une nuance cependant qu’il n’est pas inutile de souligner : il semble implicitement admis qu’une femme de statut social inférieur puisse s’élever par le mariage au niveau de son mari. Dorante finit par consentir à épouser Lisette et Lisette est prête à épouser un homme qu’elle prend pour un noble. Mais Silvia refuse de descendre l’échelle sociale en épousant un valet. C’est pourquoi Arlequin apparaît seul, comme un bouffon, en un dangereux arriviste lui qui accepterait volontiers de se hisser à une autre classe sociale, grâce à une femme. Impossible – Impensable.
Le rideau peut se baisser : chacun a repris sa position de départ avec la bonne conscience d’être à sa place. Le monde n’a pas tourné à l’envers longtemps. Le monde ne bouge pas. Les lois de la société sont immuables…
« Oui, mais tout cela se passait au XVIIIème siècle, aujourd’hui… »
C’est parce que nous avons trop souvent entendu ou même prononcé assertion facile et rassurante que nous avons tenté d’amener le jeu de l’amour et du hasard dans notre 21ème siècle. En respectant scrupuleusement l’esprit de la pièce, son contenu, son message : les situations sont les mêmes, la structure dramatique est décalquée. Seul le langage change.
C’est celui d’aujourd’hui. Dépouillé de l’amidon, des dentelles, des mouches et de la poudre, des perruques.
Alors, le jeu de l’amour et du hasard comme décanté, mis à nu, révèle et impose brutalement la question : la société a-t-elle tellement changé depuis le XVIIIème et sa révolution ? Aujourd’hui, les princes épousent-ils les bergères ?...
Informations et contacts :
CONTACTS :
Compagnie Les Menteurs d'Arlequin
7, rue Edouard Bastide
25290 Ornans
lesmenteursd-arlequin@hotmail.fr